Philippe Bohrer, cuisinier avant tout

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Philippe Bohrer, cuisinier avant tout

Le chef Philippe Bohrer maintient la grande maison de Strasbourg au sommet.

Les Jung s’en sont allés sur la pointe des pieds, remplacés par le jeune Philippe Bohrer. Mais Au crocodile est toujours cette institution gourmande, avec sa belle salle stylée, son service en or, sa grande cave, sa fresque paysanne et ses tables bien mises. Une grande maison, malgré son unique étoile.

Philippe Bohrer, formé jadis chez Lameloise, Loiseau, Gaertner, est le petit Ducasse de sa région. Petit ? Il ne l’est pas tant que ça. Il possède vingt-cinq maisons, de Mulhouse à Colmar (La Table de Louise) en passant par Rouffach (le restaurant étoilé qui porte son nom). Il détient également des brasseries et bistrots (Stadwappe, Le Bistrot des copains). Un empire sur lequel ce businessman, qui se cantonne à sa région, demeure discret et qui ne l’empêche pas de rester une tête chercheuse du métier.

Cuisinier avant tout, il s’est efforcé, Au croco, de donner le la à l’ensemble, mettant la main à la pâte quand il faut, œuvrant avec son chef Ludovic Kientz. Il fait du Jung sans Jung, comme Lagerfeld fait du Chanel sans Chanel : avec un évident talent et des idées à lui. Le sens de la tradition frotté à l’air du temps : voilà sa marque. Que traduit une kyrielle de plats jolis et bons : mille-feuille d’œuf de poule bio à la truffe et crème de bergkäse (le fromage blanc de montagne) ou jambonnettes de cuisses de grenouille et chlorophylle d’ortie. Ravioles (maltasha) al dente et esquimau à l’ail des ours sont deux de ses entrées nouvelle vague.

Côté poissons, il y a le bouleversant omble chevalier avec asperges blanches confites, le cappuccino de morilles et arômes de terre (rebaptisée friches) ou la viennoise de cabillaud en croûte de moutarde. Cuissons parfaites, dosage au millimètre, saveurs exactes : le chichi et l’inexactitude sont bannis du lieu, manière de rappeler qu’on est en Alsace.

Aux commandes du service, Gilbert Mestrallet, un meilleur sommelier de France, présent dans la maison depuis plus de trente ans, a le nec plus ultra de tous les vignobles à faire découvrir. Un muscat de Dirler, un Clos Saint-Hune de Trimbach ou un clos-de-vougeot de Denis Mortet accompagneront parfaitement le lingot de foie gras en croûte de sel aux légumes et fruits confits comme d’étonnants desserts (« vraie » tarte à la pistache ou forêt-noire revisitée).

Alors, comment va Au crocodile ? Mieux que bien !

Par Gilles Pudlowski

Publié le 7 décembre 2018 | Mis à jour le 13 décembre 2018 ‹ Retour à la liste des revues de presse
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